Bouc émissaire, un mécanisme apotropaïque ?

L’adjectif apotropaïque est certes peu usité de nos jours.
Du grec apotropaios, il signifie « qui détourne des maux » ; Du grec apotropein,  il signifie « détourner ».
Ainsi, la définition serait :

« Se dit d’un objet, d’une formule servant à détourner vers quelqu’un d’autre les influences maléfiques »

« Se dit d’un objet, d’une formule, d’un rite servant à détourner le danger, à conjurer le sort, les mauvais esprits, les influences maléfiques. »

Dans l’encyclopédie universalis, à l’article fête, François-André ISAMBERT, Jean-Pierre MARTINON écrivent, « Le carnaval, dérèglement réglé du renversement du monde, inscrit dans un temps et dans un espace déterminés une régulation apotropaïque de la société. »

 

Le bouc émissaire, un rite apotropaïque

Le bouc émissaire, un rite apotropaïque

 

Le site « le garde mots » propose toute une liste de symboles apotropaïques. Parmi ceux-ci, les premiers cités :

Abaskantos. Surnom que les Égyptiens de tradition grecque attribuaient assez facilement aux hommes de la vallée du Nil. Il signifie « qu’il soit préservé des maléfices ».
Abracadabra. Mot utilisé non seulement pour invoquer les puissances surnaturelles mais également pour protéger du mauvais sort.
Abraxas. Pierre taillée, souvent gravée de  365 caractères magiques, le nombre le plus agréable à la Divinité. Ce talisman fut créé par Basilide, un gnostique paléochrétien qui enseignait à Alexandrie au début du IIe siècle.
Ail. En Italie, en Grèce et en Inde, l’ail protège du mauvais œil. En Provence on place une gousse d’ail près des berceaux pour éloigner les serpents.
Attitude apotropaïque. De nombreux rituels et superstitions – ne pas mettre un chapeau sur un lit, ne pas passer sous une échelle, etc. – sont des attitudes préventives du mauvais sort.
Attrape-rêves. Objet artisanal amérindien, originaire de la nation Ojibwé, composé d’un anneau en saule et d’un filet, orné de plumes. Il est destiné à retenir les mauvais rêves et à laisser passer les bons jusqu’à l’esprit du rêveur.
etc…
Le pharmakos grec, à la fois poison et remède, ou plus exactement le poison devenu remède, en est un exemple peut être plus parlant encore.

 

De même le bouc émissaire, en tant que figure qui incarne un mal, détournant le groupe d’un mal plus grand encore, sa destruction est une figure apotropaïque.
 …
Le bouc émissaire, en tant que mécanisme serait un rite apotropaïque  ? Certainement.
 …
Le bouc émissaire, en tant que figure expiatoire détournant les membres du groupe de sa culpabilité et de sa confrontation à ses tabous, serait également une figure apotropaïque ? Nous le croyons !
 …
Et les accusateurs et les dénonciateurs du bouc émissaire, ne se retrouveraient-ils pas dans une démarche apotropaïque lorsqu’ils détournent, par des postures et des stratégies manipulatoires, les regards vers un innocent des antagonismes réels et tabous groupaux ? C’est fort possible …
 …

D’ailleurs, dans son introduction générale, le livre « Boucs émissaires, têtes de Turcs et souffre douleur« , ne propose-t-il pas  cette entrée : « au bestiaire apotropaïque appartient la locution imagée et commune « bouc émissaire», héritée du judaïsme, via le christianisme. » (p.7).